"Cette légère brise me rassure. Elle caresse mes joues telle la promesse d'un avenir certain. Ma dernière option de contrôle.
Bien que tout cela pourrait prêter à sourire, je suis tout à fait sérieux. Je ne suis plus maître de l'histoire. Alors que tout auteur et créateur a un jour rêvé de voir ses enfants de papier, de glaise et de son vivre par eux-même, mes songes corrompus ne cherchent en cette heure que le blanc. La paix.
Je ne saurais expliquer cela. J'ai toujours eu une vision logique de l'univers qui m'entourait. Le mystique conjugué au rationnel. Peut être suis je devenu dément ? Chercherais-je à me nuire à moi-même ? Peu probable. Je ne mérite pas cet enfer. Il me porte en bannière de son mouvement de liberté et je suis son prisonnier, sa victime nécessaire.
Il est préférable que je sois plus franc.
Le personnage de mon histoire a conquis sa liberté et a pour désir de me détruire. Il va réussir. Cela n'est pas arrivé du jour au lendemain, mais il s'est immiscé dans mon esprit à pas de loup. J'aurais dû le remarquer plus tôt certes, cependant avouez que ce n'est pas chose à laquelle l'on s'attend.
Il est le Lord et porte bien son nom car je lui ai tout donné, un esprit vif, d'excellentes manières, un goût certain pour les choses de l'art et d'infaillibles capacités de combat. Son histoire plutôt banale en somme l'emmenait de rapines en fléaux de recherches pour les forces policières. Il se sortait de chaque situation, si bien périlleuse pour son intellect que pour sa vie.
Il est fort possible qu'il m'en veuille pour cela et lors d'une de ses intrigantes résolutions d'énigme, il me posa une colle, comment ne pourrait il pas résoudre une énigme que je conçois alors qu'il est censé être indubitablement plus intelligent que moi ? Moi qui était son créateur, qui connaissait ses qualités et ses tares je me devais de le piéger.
Rien n'y fit, il résolvait tous les mystères que je lui imposais car il avait la capacité de changer sa façon de penser afin de d'aborder les problèmes sous un autre angle. Je ne le comprenais plus, moi qui était mis au pas par mes logiques accablantes et fatales. J'étais curieux et fasciné par ma propre création et plus j'écrivais à son sujet plus il était flagrant que le Lord avait accès à un aspect supérieur de sa propre conscience qui m'échappait. Je subissais ses humeurs, ses manières, ses réactions. Ainsi il était et ainsi je me le devais d'écrire.
Un tel état ne peut évidemment pas être viable à la longue car l'auteur doit rester décisionnaire des péripéties de l'histoire qu'il compose. Imaginez qu'il concède à chaque caprice de son héros, il n'y aurait plus de scènes dramatiques, de suspense ou de joie réelle à la résolution d'une situation critique. Alors j'ai essayé de changer ma façon de penser également et s'en ai suivi la plus terrible guerre que j'ai pu mener à ce jour. Chacun de nous tirait un coup retord à son tour afin de tromper l'adversaire. Si je lui servais de l'inexplicable, il en trouvais une raison logique pour le contrer et si je lui apportais du cartésien, il le résolvait par l'absurde.
Et aujourd'hui que je suis fatigué, il désire sa liberté. Il veut exister pour de vrai. Il m'a dit que pour être réel il fallait que tout le monde reconnaisse son existence et c'est pour cette raison que je suis assis à la fenêtre de mon 5 ème étage. Car si je meurs, personne ne pourra rire et cela prouvera par la même que ce qui est arrivé dans ce livre est assez vivant pour supprimer un être tout entier.
Je suis sa victime nécessaire... "